NOUVEAU !
L'atelier d'écriture de Planguenoual ouvre un nouvel espace mensuel. En janvier dernier un Atelier critique littéraire a vu le jour. Ce premier temps de lecture partagé a été consacré au livre d'Annie Ernaux La place qui a suscité la curiosité et de nombreux échanges.
Lors de la deuxième rencontre c'est le livre de Jeanne Benameur Les demeurées qui a été choisi.
Ce tout petit livre de 80 pages nous introduit dans l’univers de trois femmes : une mère, sa fille et une institutrice totalement dévouée à la transmission de l’écriture et de la lecture, cherchant à lutter de toutes ses forces contre les préjugés. A vous de découvrir la suite de cette magnifique histoire pleine d’humanité.
Vos prochains rendez-vous en bas de page.
Et puis, je ne peux m'empêcher de partager avec vous deux courtes nouvelles écrites à l'atelier d'écriture de Planguenoual.
Adrénaline
Tanger, aéroport. Il passera ce Noël 2017 dans cette maison qu'il a abandonnée depuis si longtemps. Chapeau noir, pardessus clair, il détonne par cette chaleur. Personne là-bas pour l'attendre, ils ne sont plus là ceux qui l'ont aimé, qu'il a laissés un jour et tenté d'oublier. Seuls des souvenirs au bout du voyage... Il rassemble ses bagages, hèle un taxi. Il se sait suivi. Depuis Paris.
Il pousse la porte et s'immobilise. Une odeur de cigarette flotte dans l'air. Garder son sang-froid, serrer les clés au fond de sa poche, tout en laissant ses yeux s'habituer à la pénombre, courir sur les formes blanches du mobilier. Un regard circulaire, rien n'a changé, mais...
Intrigué, il fait un pas en avant. Craquement d'allumette.
Elle est blonde. Et dans le rai de lumière consenti par la porte laissée entrouverte, elle souffle nonchalamment un nuage de fumée, sans étonnement, comme si elle l'attendait là depuis la nuit des temps. Voix flûtée, accent chantant. Sourire énigmatique, condescendance voilée.
- I was waiting for you... Oh ! Sorry... Nous avons besoin de vous.
Il plisse les yeux, façon regard de lynx, fait un pas. Rapide coup d'œil sur la situation. 1- Ils l'ont devancé. 2- La donzelle semble seule dans la maison. 3- Pas de danger immédiat. 4- Que lui veulent -ils ?...
Une vague de colère l'inonde mais il en a vu d'autres. Rester calme. Flegme apparent.
- A qui ai-je l'honneur ? Vous êtes ici chez moi Mademoiselle, permettez-moi de m'en étonner. Et... qui est ce « nous » ?
- Oh ! Beaucoup de questions... .
Svelte, élégante, la silhouette s'avance. Ferme poignée de mains.
- Agent 006. Peut-être pourrions-nous ouvrir la fenêtre avant de faire plus ample connaissance ?
Sans attendre, elle écrase sa cigarette, lève le store sur le soleil couchant, se penche sur le rebord, dévoilant des jambes galbées sous une robe noire et lamée argent.
La situation l'amuse soudain. Pourquoi ne pas profiter de l'instant. Il sera bien temps d'agir. L'arme cachée sous son veston est là, rassurante. Jouer au jeu du chat et de la souris, pourquoi pas ? Lui offrir un verre en ville ?
Il la laisse revenir vers lui dans la lumière qui inonde la petite pièce où il jouait enfant. La trentaine, un carré court, un joli nez, des yeux superbes. C'est alors qu'elle plonge et le plaque au sol. Une balle a sifflé ?
Des mois après, il se souvient encore de cette déflagration et de la cavalcade qui avait suivi. Ils s'étaient retrouvés haletants, cachés derrière un buisson, aux aguets. Pour voir s'enfuir, il en rit encore - deux gamins qui s'essayaient aux pétards gros calibre.
- C'est western, elle avait dit dans une grimace. Je me disais bien aussi qu'ils étaient en avance... - C'est Byzance, il avait pensé en la frôlant. Mais d'un ton qui se voulait cassant, tout en se redressant, s'époussetant : - Qui « ils » ? Agent 006, vous me devez des explications !
Ces explications, elle les lui avait données. Et voilà pourquoi il se retrouve aujourd'hui 9 septembre, après avoir dormi en plein New York -13e avenue, 33e rue, sur le bateau qui le conduit à Ellis Island. Au bas de Miss Liberty, dans la foule de l'après-midi, c'est incognito qu'il a rendez-vous. Il va devoir jouer finement pour coiffer sur le poteau et démanteler ce noyau terroriste. Mais le sourire de l'agent 006 l'accompagne.
Lettre du 16 février 2023
Comme le temps a passé... C'était à Tanger, souviens-toi. J'avais pour mission de te faire patienter agréablement... Ils te suivaient depuis Paris. Deux meurtres avaient été commis et on voulait te faire porter le chapeau. Bon, la routine. Tu es arrivé dans ta maison d'enfance où je t'attendais en fumant une clope. Mister Achim, chapeau noir et imper clair par cette chaleur, tu as poussé la porte, j'étais là. Ton regard de lynx, quand tu es entré. Tout de suite tu m'as plu.
Alors, comme de la DGSE à la CIA, il n'y a qu'un pas - mission silencieuse et périlleuse s'il en fut, on s'est revus au pied de miss Liberty quelques mois plus tard, puis dans le noir d'un spectacle à Broadway pour coincer ces crapules et pirater le réseau. C'était de l'adrénaline, du danger et du plaisir, tout ce que j'aimais !
On a été ex-filtrés, on s'est perdu de vue... Qu'es-tu devenu ? J'ai rêvé hier du Pont de Brooklyn. Je repartirais bien flâner sur la 5ème Avenue, retrouver ce petit bar de Williamsburgh et... nos souvenirs.
Fais-moi signe.
Agent 006
Agnès D.
Silences
D’abord, on ne voyait que la brume. Pas un arbre, pas un sentier. Puis ça s’est déchiré. Il y avait la maison et le chien qui grognait et plus loin à deux cents mètres. Une ancienne grange en piteux état. Elle décida de poursuivre son chemin, car pour l’instant il ne se passait rien. Rien de ce qu’elle attendait. Vaguement déçue mais résolument confiante, elle continua ce qui pouvait ressembler à un chemin de croix. La maison et le chien, la grange ne lui évoquaient rien …
Poursuivons.
Elle dépassa la grange. La brume avait disparu et elle retrouvait ses marques petit à petit. La maisonnette dans un champ là-bas, oui, oui, elle s’en souvenait à présent. C’était là.
Lorsqu’elle ouvrit la porte, elle eut la surprise de tomber sur un homme d’une cinquantaine d’années, maigre, au visage long et las qui la salua sans sourire mais poliment.
Elle lui demanda ce qu’il faisait là, dans cet endroit abandonné, loin de tout. Il l’a regarda posément et se mura dans son mutisme. Jusqu’à quand ? Essayer d’engager un dialogue par un moyen autre que la parole. Pas facile.
Son visage ne lui était pas complètement inconnu. Je l’ai déjà vu, mais où ? Plusieurs minutes s’écoulèrent. Silence. Il ne veut, ne peut parler.
Monsieur ? Réussit-elle à dire mais c’était complètement idiot. Elle ravala ses paroles. Rien ne bougeait. Cela pouvait durer des heures. Il lui fallait trouver rapidement une solution.
Vite !
Elle s’approcha de lui et posa sa main sur son épaule. Son visage et son corps demeuraient impassibles, impénétrables.
“Mmm , Mmm
Elle entendit pour la première fois ce qui semblait un début de contact. Cet étrange personnage voulait sans doute lui dire quelque chose : “Mm, Mmm, Mmm…. Mmm Mmm. Il semblait à présent faire des efforts.
Son long visage las, forcément là, se détendait peu à peu. Mmm Madame ? Cette fois-ci, elle n’avait pas rêvé. Il avait vraiment parlé.
Mmm Madame ? reprit-il.
Je suis un personnage de la nouvelle qui nous concerne. Je suis censé vous saluer sans sourire mais poliment. C’est ce que j’ai fait. J’éprouve quelques difficultés d’élocution mais ce n’était pas spécifié dans le texte. Je doute que l’auteur ou l’autrice en sache davantage. Nous nous sommes déjà rencontrés brièvement dans une autre histoire mais, c’est une autre histoire, si je puis dire. Mon rôle touche désormais à sa fin.
A une autre fois peut-être, dans d’autres circonstances.
Pierrig L.
PROCHAINS RENDEZ-VOUS AU CARRE D'ASS
Atelier critique littéraire - Sur réservation -
jeudi 2 mars à 16h
Livre choisi :
L'annonce de Marie-Hélène Lafon
Atelier d'écriture - Complet -
Jeudi 16 mars à 14h
C'est Denis Flageul qui fait atelier !
Son dernier roman Gisèle chez Polaroïd éditions
Et, n'oubliez pas les Ateliers d'écriture par mail pour ceux qui ont besoin de temps pour écrire ou ceux
qui sont trop loin !!
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